Entrevue par Marie-Christine Daignault | Photos fournies par Jonathan B. Roy

HISTOIRES À DORMIR DEHORS 2 : LA SUITE DES AVENTURES À VÉLO DE JONATHAN B. ROY

De l'Asie du Sud-Est à l'Amérique du Sud


Le récit des aventures de Jonathan B. Roy se poursuit dans un nouvel épilogue tout aussi inspirant que l’original. Le deuxième tome des Histoires à dormir dehors publié aux Éditions Vélo Québec est un récit de beauté qui passe par les rencontres, les cultures et les paysages de l’Asie à l’Amérique du Sud.


Pour en savoir plus sur l’auteur, conférencier et aventurier à vélo, on s’est permis de sortir des sentiers battus et de lui passer un « questionnaire de Proust». Jonathan a accepté de jouer le jeu et de nous parler un peu de lui, à travers son périple autour du globe.

QUELLE EST LA QUALITÉ QUE TU PRÉFÈRES CHEZ LES GENS ?

« Spontanément, je dirais l’écoute. Durant mes voyages, je vais à la rencontre des gens et les gens viennent à ma rencontre. Je les écoute et eux m’écoutent en retour, c’est un partage. C’est facile en voyage de se déplacer et de passer les gens sans aller à leur rencontre. L’écoute n’est pas toujours facile. Souvent, je dois me botter le derrière parce que c’est une autre langue, une autre culture. Pourtant, pour créer des histoires, il faut plus que de se déplacer à vélo, le plus vite possible du point A au point B. Il faut savoir s’arrêter. Peut-être que je ne suis juste pas capable de pédaler vite à l’infini et c’est pour ça que je choisis de m’arrêter plus souvent, de prendre mon temps (rire).

Au Chili, j’ai roulé avec un Italien et un Allemand et ils m’ont dit, avec le recul, que de rouler avec moi les a forcés à ralentir. Dans ce genre de voyage, ça prend du temps avant de comprendre que tu n’es pas obligé de dormir à tel endroit, tel soir. Quand tu as un mois pour traverser une distance, ce n’est pas important où tu termines la journée ! J’aime arrêter pour regarder le paysage, prendre des photos et jaser avec les gens que je rencontre. »

TON TRAIT DE PERSONNALITÉ QUI SE RÉVÈLE LE PLUS DANS TES VOYAGES ?

« Ma capacité de parler à n’importe qui, de n’importe quoi. Dans le livre, je raconte 2 situations complètement opposées : j’ai été invité dans une maison où il n’y a pas de plancher et j’ai fait un tour d’hélicoptère avec un milliardaire brésilien. Toutefois, autant la famille de semi-nomades que le propriétaire d’usine sont devenus mes amis. »

CE QUE TU APPRÉCIES LE PLUS DES GENS QUE TU CÔTOIES ?

« L’optimiste et la joie de vivre. Le fait que tu peux rire tout le temps, de n’importe quoi. J’aime les gens qui se rendent compte que ce sont les mésaventures qui donnent les meilleures histoires ! »

QUELLE EST TON IDÉE DU BONHEUR APRÈS TES VOYAGES ?

« Ça varie. Je crois qu’on se compare toujours à ce qui nous entoure dans l’immédiat. Quand tu es en voyage de vélo dans un pays comme le Paraguay, tu as l’impression d’être vraiment riche avec ta tente et ton brûleur. Quand tu reviens à la maison, tu arrives dans une autre société, influencée par les médias sociaux. Je pense que le voyage m’a aidé à prendre conscience de la chance qu’on a d’avoir l’eau chaude, l’électricité tout le temps, une démocratie ou un matelas. La course aux richesses n’est pas pour moi. J’ai tellement pris mon temps en voyage, j’essaie de garder ça encore ainsi. »

QUEL EST L’ENDROIT OÙ TU AIMERAIS VIVRE ?

« Je pense que je vivrais partout, pour quelques années seulement. J’adore le Japon, mais je pense que je ne pourrais pas y vivre. Quand la culture est vraiment trop différente de la nôtre, ça devient difficile. Je pense que tu ne peux pas “devenir Japonais”, tu ne peux qu’y être un étranger toute ta vie.

J’ai habité une année en Malaisie et là-bas, la météo est humide et chaude à l’année. Tu n’as jamais l’impression que le temps avance. En Malaisie, j’ai passé une année qui m’a semblé 3 semaines parce qu’il n’y a jamais l’urgence de faire quelque chose. Ici, on va profiter de la neige pour skier ou de l’automne pour aller aux pommes. Ici, nous sommes formés avec les saisons et on réalise que le temps passe.

L’Uruguay est un pays méconnu que j’ai beaucoup aimé. C’est le pays de l’Amérique du Sud le plus socialement avancé et qui se rapproche de notre culture quand on parle de mariage, homosexualité, légalisation du cannabis, divorce, démocratie. Et ce, longtemps avant tous les autres pays d’Amérique latine et probablement dans le monde. Il ne manque que les montagnes ! Le seul pays où j’irais vivre est l’Italie, dans les Alpes. C’est vraiment magistralement beau, mais bien y gagner sa vie n’est pas facile. »

QUELS PLAT ET BOISSON AS-TU LE PLUS AIMÉS ?

« Le jus de canne à sucre (vesou). On en retrouve en Asie du Sud-Est et au Brésil. Ils coupent quelques pieds de canne à sucre et ils mettent ça dans un compresseur, un truc en métal qui écrase la canne jusqu’à ce qu’elle soit vidée de sa sève. Le jus de canne à sucre, c’est “hallucinamment” bon, c’est dangereux ! Même si c’est naturel, c’est juste du sucre !

Au Chili, certaines régions font le mote con huesillo, c’est une boisson sans alcool à base de blé cuit et de pêche séchée. C’est comme un repas et une boisson en même temps. Le tiers du verre, c’est du blé, puis il y a la pêche et le reste, tu le bois. C’est malade, on en trouve partout sur le bord de la route. C’est un lunch sucré.

Pour la bouffe, au Japon, peu importe ce que tu manges, c’est hallucinant. Chaque plat est une œuvre d’art, même si c’est acheté dans un dépanneur. Dans le livre, je raconte justement que j’ai goûté à de la langue de cheval et que c’est vraiment très bon, bien préparé, frais et de qualité.

Mais pour répondre à la question, je dirais le khatchapouri que j’ai mangé en Géorgie. C’est un genre de bateau en pain rempli de fromage avec un œuf dessus. Ça, c’est bon en tabarouette ! J’en parle d’ailleurs dans mon premier livre.

J’en ai long à dire sur le sujet, c’est tellement drôle la culture culinaire ! Au Brésil, j’ai vraiment pris du poids parce que j’ai découvert les buffets à volonté. Ce n’est pas tant que c’est vraiment bon, mais les assiettes sont immenses pour presque rien. Je voulais en avoir pour mon argent, mais, après, je n’étais plus cabale de pédaler pour le reste de la journée (rire).

En Amérique du Sud, partout, on me demandait si j’avais goûté leur BBQ, qu’ils appellent assado ou parilla selon les endroits. Chaque maison a son four à bois extérieur pour cuisiner le leur. Chaque endroit prétend avoir la meilleure recette, mais partout, c’est une pièce de viande avec du sel. Ce n’est pas si bon parce qu’ils n’enlèvent pas la viande du feu. Le premier morceau est bien, mais après 2 heures, c’est devenu beaucoup trop cuit. »

QUELLE EST TA DEVISE ?

« Évidemment, blague de voyageur, le dollar canadien (rire). Plus sérieusement, je ne sais pas si c’est une devise, mais ce qui me plait le plus, c’est de prendre le temps de réfléchir à ce que je vais publier, écrire. Depuis le début de mes voyages, le média que je préfère, c’est l’écriture.

Pour moi, filmer est bien, mais ça raconte souvent l’immédiat. Faire un reel de 15 secondes sur moi en train de pédaler sur une route en Chine ne m’apporte rien. J’ai fait quelques vidéos plus longues, pour raconter des histoires, mais encore là, c’est très formaté. Quand tu mets une caméra devant quelqu’un, il va plus surveiller ce qu’il dit que lorsque tu as une conversation normale avec lui. Je préfère prendre des notes pour éventuellement en faire une histoire. Parfois, elles se passent sur quelques heures, parfois quelques semaines, ça dépend de ce qui se passe et à quel rythme.

Pendant ces 4 années de voyage, j’ai eu un blogue et jamais, je n’ai écrit sur l’immédiat. Tu n’as pas le temps de réfléchir à ce que tu vis. Par exemple, en Chine, il y avait plusieurs choses qui me fâchaient sur le moment. Avec le recul de quelques semaines, j'ai compris que c’était moi qui étais dans l’erreur parce qu’il me manquait un élément culturel.

J’aime aussi l’idée de laisser quelque chose derrière moi. Mon premier livre, même s’il est sorti il y a quelques années, je m’en fais encore souvent parler régulièrement, bien plus que si j’avais concentré mes efforts dans des vidéos qui sont plus éphémères.

Avant de partir en vélo, j’ai étudié comme ingénieur, puis comme avocat et j’ai travaillé comme directeur des ressources humaines dans un bureau. Je ne laissais rien, je ne créais rien. Avec mes livres, j’ai vraiment une fierté d’avoir accompli quelque chose de concret. »


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À PROPOS DU LIVRE

Histoires à dormir dehors 2, par Jonathan B. Roy, est disponible partout au Québec. Le tome 1 « Histoires à dormir dehors », sorti en 2018, a connu un immense succès : Coup de cœur Renaud Bray, Top 100 des livres qui ont marqué 2018, et moyenne de 4.8/5 sur Goodreads.  Dans le tome 2, l’auteur nous raconte, toujours avec humour et poésie, la suite de son périple à vélo. Cette fois-ci, c’est 20 000 km, de l’Asie du Sud-Est à l’Amérique du Sud. En plus d’avoir une plume tout simplement superbe et singulière, l’auteur est aussi un photographe hors pair. L’ouvrage se veut donc un magnifique recueil de récits dans lesquels il va à la rencontre « du bon monde », le tout accompagné de magnifiques photos.

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